Une semaine dans la vie d'une française en Nouvelle Zélande.

Vous allez adorer cet article rédigé par Sarah Valancogne, Experte trilingue en activités Import-Export.
Elle nous fait révêr avec ce petit instant de vie en Nouvelle zelande.
Merci Sarah pour cet article magnifique.


Un dernier lundi matin de mois fin de l’année 2010, 7h55, j’arrive au boulot.

L’équipe de production, là depuis 7h00, est déjà à plein régime. Celle de logistique, quasi complète, réceptionne les premières livraisons. Je prends au passage à la reception le DomPost, quotidien local, et quelques bidons de lait frais livrés il y a peu.

J’arrive au premier, tout est calme. Les « habituels » du matin sont là :
« Hello A ! Hello S ! Hello W !
- Hi Sarah. Thank you for the orders. Will you book them before the pipeline meeting? Any others overnight ? »
- Hummm I don’t know W. I’ll have a look at my emails in a few minutes and let you know. I think I’ll book the order for D as it’s a French client and A might want to book the other one.»


Ça sent bon le café. Fini le i-pod…..jusqu’à ce que je reprenne le bus ce soir. Pas de voiture, j’ai fait le choix d’utiliser les transports en commun depuis mon arrivée à Wellington en avril 2008. Je n’en ai pas besoin : j’habite sur l’une des lignes de bus principales de la ville et mon lieu de travail est assez bien desservi, même si excentré. Et puis la ville est compact et quand il ne pleut pas, je préfère marcher plutôt que de prendre le bus.

J’aime flâner dans ses rues, sur les quais ou les baies qui l’entourent, m’y perdre, redécouvrir des passages entre les maisons pleins de fleurs, d’oiseaux, de chats, m’enivrer de ses odeurs et points de vue. Je n’ai pas choisi de vivre à Wellington par hasard, ici je me sens chez moi. Par contre je n’ai toujours pas de vélo, les nombreuses collines me freinent. En plus il n’y a pas assez de pistes cyclables et les kiwis sont de très mauvais conducteurs.

« Hi Sarah, I am making some new coffee, do you want to share one with me?
- Oh hello A . Yep I do ».


Je nettoierai donc mon bureau et imprimerai mon emploi du temps de la semaine après. 7 sortes de thé et tisanes et 3 de cafés en libre service. Ici à 60, on en consomme pas mal par semaine mais ça fait partie des belles petites différences par rapport à la France. On discute de notre weekend, des affaires en cours, d’autres nous rejoignent. Je ne reste pas très longtemps, j’ai beaucoup à faire jusqu’au premier meeting de 11h00. Mon « coin » tout propre, mon PC ouvert et après une première lecture rapide des derniers emails reçus, je prends 5 minutes pour m’imprégner de mon emploi du temps de la semaine.

Ce soir, French chat et puis chorale. J’aime aller boire un bon latte à la bibliothèque en parlant français avec ces gens qui sont devenus des amis. C’est un des rares moments où je parle français en dehors de ma famille et des quelques amis que j’ai en live sur Skype ou MSN.

A part ma collègue de boulot française qui est aussi amie, mon commercial basé à Paris et quelques connaissances de l’Alliance Française, de l’Ambassade et de mon coffee shop préféré ….qui est tenu par un français et donc ne fait QUE de la bonne cuisine française authentique, je ne fréquente pas de français. Je ne me suis expatriée en pays anglophone pour vivre dans un environnement français ! Je corrige leurs erreurs, on fait du vocabulaire, je leur parle de la France, de nos habitudes de vie. Quel soif d’apprendre ils ont. Quel amour pour la France, la culture et la cuisine française….

Tous ont appris le français à l’école à un moment ou à un autre. Je m’y rend toutes les semaines. Je suis leur coach, la seule dont le français est la langue maternelle. Et puis chorale. La musique lie, même si le nom que je donne aux notes n’est pas le même que le leur. J’espère que le Fund Raising au ciné que l’on a organisé a été un succès car il faut bien payer le cachet des solistes de notre prochain concert.


Demain mardi French Pot Luck. Ça porte bien son nom. On cuisine quelque chose et l’on se rend à la maison de l’un des membres du groupe qui l’ouvre pour la soirée. Pour la plus part, on ne se voit qu’une fois par mois à cette occasion. On parle exclusivement français, on mange plutôt kiwi. Je suis connue pour mes gâteaux au chocolat….et mes vins australiens.

Là aussi je suis la plus jeune et souvent la seule française. Ces gens sont bien, toujours avides de parfaire leur français et d’en savoir un peu plus sur la France. On discute de tout. Quelle ouverture d’esprit ils ont. J’adore leur façon de venir vers les gens et s’intéresser à eux. Ils sont insulaires, vivent loin de tout et ont « soif » de beaucoup. Ici rencontrer des gens est simple.

« Hi Sarah,
- Hello A. How are you? Did you have a good weekend?
- yesss I did some gardening. We planted so many different plants and trees. Have you seen the orders for D and D?»

A est mon binôme depuis quelques mois. On s’entend bien. Je continue de la former, de lui faire partager mon savoir acquis à 4RF. Il n’y a aucune compétition entre nous. Elle est néerlandaise, moi française, entre européennes et expatriées on s’entend bien et on a une autre façon de voir les choses et de travailler.


Mercredi rien, sauf que je passerais bien à l’Alliance Française emprunter des DVDs et mon fameux Cuisine Actuelle arrivé par valise diplomatique, et aussi discuter 5 minutes avec les uns et les autres. J’ai été élue au comité exécutif, je me dois d’y faire un tour de temps en temps, de prendre la température, de discuter des prochaines soirées à thème, du taux de remplissage des classes, du nombre croissant d’inscription et…des évènements que nous organisons lors de la Coupe du Monde de Rugby.

Et puis ça fait du bien de parler français avec des français. Et s’il fait beau, je me pose sur le waterfront avec un latte avant de rentrer. C’est pas comme en France avec le « Travailler plus pour gagner plus » car finalement je n’avais le temps de rien. Ici je bosse beaucoup de par ma fonction dans la boite et je ne compte plus les soirées où il me faut travaille tard le soir avec l’Europe ou l’Asie parce que avoir les gens en live fait réellement gagner du temps.

Je gagne bien ma vie, je suis payée bien au dessus de la moyenne et ça me permet de vivre seule. C’est un vrai luxe mais la collocation c’est fini. C’était bien pour commencer mais j’ai droit et revendique mon home sweet home.

« Hi Sarah, how are you?,
- Hello J, how are you ? Good weekend? Already full on?
- Yes, could you please give me the following order packs? I need them to get ready for the pipeline.
- Oki doki, but could you bring them back to me once you’re done? I do need to work on them too. "

Je replonge dans mon emploi du temps.


Jeudi, tiens jeudi si on allait se faire une ballade avec D après le boulot? C’est la deuxième frog ici à 4RF. On a commencé presque en même temps. On s’entend bien. Colonial Knob ou Belmont Park ? De toute façon, on aime les deux car la vue y est splendide et parce qu’on peut aussi trouver quelques fraises des bois ou des mûres sauvages….et puis après on se cuisine notre sacro saint diner à la française avec souvent une bonne bière kiwie ou anglaise. Et pourquoi pas une tartiflette ?

Faudrait que j’aille voir si mon Monsieur Italien du deli a des reblochons. Sont vraiment chers mais AOC et tellement bons ! C’est vrai que la France est loin et je dépense des sommes folles en fromages, rillettes, pâtés, magrets et autres produits importés de France mais c’est important de retrouver des habitudes alimentaires loin de chez soi…

« Hello Sarah. Oh nice shirt,
- Hello H, well, thanks but it’s French,
- You always have nice clothes from France. Women must be elegant there.
- Yes they are. And they keep away from black stuff a little more. Anyway, did you have a good weekend? Did you like the movie?,
- Yesss »


Vendredi social hour. Et ma journée et donc semaine de travail va se finir à 15h00. Ça va être un peu la course, va falloir boucler la facturation vendredi matin 9H30 et les départs entrepôts au plus tard 14h30. En plus, va y avoir des choses à préparer pour cela comme un bref meeting à organiser avec les autres membres du comité. Fish and Chips (Fush’n’chups avec l’accent kiwi) serait une bonne idée car c’est la fin de mois ET la fin de trimestre. Déjà qu’il va falloir aller acheter des tonnes de bières au New World de J’ville….
« Bonjour Miss,
- Bonjour M. Ca va ? T’as passé un bon weekend ? Pas trop naze ?,
- Dis, ça te dirais d’aller marcher sur Colonial Knob jeudi ?,
- Justement, j’y pensais. On en rediscute plus tard, j’ai des tas de trucs à faire avant le pipeline à 11h00 »


Samedi, rien encore. Surement une ballade sur dans les collines et sur les crêtes autour de la maison (Karori) et puis un ciné en fin de journée avec L ? Et dimanche marché sur le water front, commissions et puis home sweet home. J’l’aurai bien mérité !

C’est environ 8h30. Les gens continuent d’arriver et pour la plus part de passer devant mon bureau et de me saluer. Il est temps de traiter les mails les plus urgents avant de préparer ces meetings. M veut un devis de transport pour son nouveau client en Amérique du Sud. C’est cool, il a mis M en copie (son email est donc en anglais). Je lis la chaine d’emails en espagnol et comprend qu’en fait son client veut un devis en EXW Wellington et un en DDU B par avion.

C’est sur que pour les commerciaux, les incoterms sont parfois un peu vague….pourtant ils sont si importants à l’export. Je comprends trois langues (français, anglais, espagnol), ce qui me rend linguistiquement parlant entièrement autonome sur mon poste. C’est l’une de mes forces. C’est aussi très pratique pour lire « entre les lignes » lorsque tout n’est pas en anglais ou mieux comprendre mieux la relation commerciale. Je navigue de l’une à l’autre constamment. Surtout pour le français et l’anglais. Je ne fais aucune différence entre ces deux langues. A l’heure actuelle, je parle anglais 95% de mon temps. Les 5% de français sont pour ma famille, mes amis d’ici et de là-bas et ……mes « clients » français. Combien j’aimerais que cela ne soit plus une exception !

Il est fini le temps d’un certain chauvinisme, d’une différenciation (in)volontaire car au bout du compte cela bloque l’ouverture sur l’international de la France. On adore notre accent, le mien est un peu allemand comme ils disent ici, un peu français et un peu kiwi maintenant, mais pouvoir mener à bien une conversation professionnelle et semi professionnelle en anglais est maintenant normal, ce ne doit plus être une exception comme lorsque je suis revenue des US en 1997.

Juste avant 9h00. Il est temps pour moi d’aller voir G et lui demander mon éternelle question du lundi : a-t-on reçu des paiements ou prépaiements ce weekend ? Est-ce que la limite de crédit accordé par l’assurance crédit (= Coface française) est atteinte pour tel ou tel client? En export c’est important.

En fin de mois encore plus, tout comme l’incoterm choisit par le client lors de l’une ou l’autre de ses commandes. Cela détermine ce qui peut être facturé ou non, ce qui peut partir de nos entrepôts, ce qui doit arriver à destination avant minuit fin de mois. Je ne parlerai pas des lettres de crédit ni de la lourdeur ou complexité du processus mais cela reste un moyen de paiement très sécurisé et donc à privilégier pour certains pays.
Je lève les yeux, je souris en voyant la photo de mes neveux accroché sur l’une des cloisons formant mon bureau, mon espace personnel finalement très frenchy woman. Je passe beaucoup de temps en boulot. Ici c’est pas les 35 heures hebdomadaires, c’est légalement les 40 mais très souvent un peu plus….Ils me manquent. Tout comme ma famille et mes amis.

J’ai beau avoir enfin trouvé un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, un boulot que j’adore et bossé dans une entreprise qui ne connais pas la crise, j’ai beau sortir pas mal, même bien plus qu’à Lyon (vive les 30% de pouvoir d’achats en plus que j’ai ici à salaire équivalent), ils me manquent. En plus ils ne sont pas encore venus me voir . Il y a donc un fossé de plus en plus grand entre nous.

Ils n’ont aucune image en tête lorsque je leur parle de ma dernière ballade sur le waterfront, cette odeur d’iode et de café fraichement coulé, ces gens qui font du roller, celui-là qui joue de la guitare, cette brise constante 365 jours par an, cette impression que les gens sont foncièrement heureux. Pas taciturne ni blasé comme en France avant mon départ. Par contre y a cette histoire d’assurance santé qui me trotte dans la tête de plus en plus. Y a rien à dire, en France on est super bien couvert. Ça n’a rien à voir ici, surtout avec mes « conditions préexistantes » comme ils disent.
Le téléphone sonne. Je décroche. C’est mon collègue français qui appelle de Paris…..Je vois G arriver avec son post-it bourré de nombres et montants. Ca y est, j’ai deux choses à faire en même temps. Ma semaine va être chargée et intense.


Post scriptum :Ceci est réellement une fin de mois type. Des semaines comme ça, j’en ai fait plein …jusqu’à ce que je démissionne fin janvier. Démission = perte de visa et permis de travail. Le gros tremblement de terre à Christchurch a anéanti mes chances de retrouver un job là-bas.
Je suis rentrée en France pour Pâques avec la seule envie de repartir. M’étant expatriée déjà trois fois, je ne souhaite pas m’arrêter là. Prochaine étape la Suisse. Sauf que le retour est plus dur que je ne l’avais envisagé car je n’ai toujours pas retrouvé un emploi. L’herbe est aussi verte ici que là-bas. Ces deux pays ont des plus et des moins. Je me sens réellement française qu’à l’extérieur de la France. Je l’ai revendiqué, j’ai cultivé la différence. Ça m’a servi de nombreuses fois.
Ces trois ans à Wellington ont été trois années riches tant au niveau personnel que professionnel.

Aotearoa, I’ll be back.
4RF = 4RF Communications Ltd (http://www.4rf.com)

Grosse PME kiwie d’environ 100 personnes dont le siège social mondial est à Wellington. Elle a une présence commerciale et technique sur tous les continents.
Son point fort ? Etre placée dans une véritable niche (radios grande portées point à point et point à multipoints). Ils m’ont offert un CDI alors que je n’étais qu’en Visa Vacances Travail.
Je n’ai mis que la première lettre de prénoms fictifs.
Article rédigé par Sarah Valancogne. Experte trilingue en activités Import-Export.
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Photos. Sarah Valancogne.

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