#ASIE | Comment exporter en Chine ? PART 1

1ère partie de l'interview de Huan Li, directeur de Viaduc Chine, qui propose des solutions opérationnelles, économiques et sur mesure d'accompagnement d'entreprises françaises vers la Chine.
 
Comment comprendre la Chine ? Comment vendre ? Quelles sont les idées reçues ?
 
 
 
COMPRENDRE LA CHINE

D’abord, les chinois connaissent-ils la France et quelle image en ont-ils ?
Non, pas vraiment, tout comme les français connaissent assez mal la Chine. Les chinois ont une image de la France vieille et déformée de la réalité actuelle : le romantisme, le luxe, la richesse culturelle et historique, et très important, « l’ami de la Chine», grâce au Général De Galle qui a reconnu la république populaire de la Chine en 1964.

Cette image est à double tranchant, d’un côté, cela aide l’exportation des produits de consommation, surtout du luxe, et pour attirer du tourisme, mais pénalisante pour l’exportation des produits industriels et innovants. Pour les chinois, c’est plutôt l’Allemagne qui a une image reliée à la mécanique, la précision, la rigueur. Cette image est en train d’évoluer, mais il reste beaucoup à faire en termes de communication.

En 2008, à cause des agitations et des menaces de boycott autour des JO de Pékin, les chinois ont trouvé cet «ami » arrogant et chauvin, et sont assez sévères vis-à-vis de la «trahison de l’amitié» à leurs yeux. Cette parenthèse est fermée avec les efforts des dirigeants des deux pays. Mais la Chine qui vient de se rétablir de ses blessures historiques a besoin de reconnaissance et de respect. S’il y a un conseil à donner aux pilotes de la France et aux futurs conquérants du marché chinois, gardez précieusement ce capital immesurable qui est l’image d’ « ami », et qui peut aider durablement le commerce.


Quelles sont les choses qui surprennent le plus les français que vous accompagnez lorsqu’il découvre la Chine ?
C’est surtout les chiffres qui sont annoncés par leurs interlocuteurs chinois, publics ou privés, le nombre d’habitants, le montant des investissements, le nombre d’ouvriers dans les usines, le tonnage des ports maritimes… ou encore, le nombre de bâtiments construits par an, la vitesse de l’urbanisation, mais également, le nombre d’habitants sous le seuil de pauvreté, le volume de gaz ou de l’eau nécessaire pour alimenter une ville, le volume de déchets à traiter tous les jours etc.

C’est vraiment une fois qu'ils y mettent les pieds qu’ils se rendent compte ce qu’est réellement la Chine, l’immensité de la Chine et ses défis, également et heureusement ses besoins et donc les opportunités de ce marché.



Y a-t-il des choses particulières à connaitre en matière de réglementation, de pratiques, de paiements ou d’échanges ?
Une chose est extrêmement importante à mes yeux, est que les français ne comprennent pas assez bien la culture du business en Chine, dont l’essentiel, est la relation orientée à long terme.

Les chefs d’entreprises français sont habitués à l’efficacité moderne, time to market, time is money. Ils sont aussi sous la pression des actionnaires qui leur demande des résultats immédiat.s Mais ce fonctionnement est en énorme décalage avec le fonctionnement des chinois, pour qui il est nécessaire de prendre le temps à se connaitre et à construire une relation de confiance, qui est indispensable dans le business.


On entend souvent le mot Guanxi (relation) en France, mais peu de gens en comprennent vraiment la signification profonde : " on ne fait pas de business avec les inconnus". Il faut donc prendre le temps de montrer qui vous êtes et comment vous êtes. Plus le business est grand, plus il est important de se connaitre. Les introductions des autres peuvent réduire partiellement les délais, mais le gros du travail reste le même.

Je prends un exemple vulgaire mais plus facile à comprendre. Les hommes d’affaires occidentaux ressemblent à un garçon qui ne cherche qu’à coucher rapidement avec les filles, et les hommes d’affaires chinois ressemblent à une fille qui cherche l’homme de sa vie, avec qui il faut prendre du temps, mais une fois la relation est mure, c’est une fille qui s’engage à vie !

La Chine n’est donc pas faite pour tout le monde, il faut du temps et de l’argent. Il faut y aller souvent, pas pour vendre, mais pour se présenter et se faire des amis, montrer qu’on cherche une relation à long terme. Cela peut coûter cher pour une entreprise qui manque de trésorerie.


VENDRE EN CHINE

Comment prépare-t-on une stratégie export vers la Chine depuis la France ?
Il faut d’abord se comprendre, avant de connaitre le marché. Avez-vous de la compétence en interne ? Connaissez-vous des compétences fiables qui peuvent vous accompagner ? Avez-vous de la trésorerie suffisante pour mener une prospection qui prendrait du temps ?
Ensuite, c’est un peu scolaire, l’étude de marché. Il ne faut pas penser « si chaque chinois achète un de mes produits, je serai… » 


C’est un marché hyper segmenté, et hyper concurrencé, il faut savoir qui sont les clients, quel âge, quel niveau d’étude, quel revenu, quelle habitude d’achat, et quelle tendance etc. ; et où sont-ils, les 300 à 400 millions de la classe moyenne ne sont pas tous dans la même région ; qui sont les concurrents, locaux, et étrangers. N’hésitez pas à faire des tests de marché, comme tout évolue vite, et tout le monde y va, personne ne détient la vérité absolue.

La conquête du marché chinois se prépare à l’avance. En parallèle ou avant des études, il faut commencer à préparer la ressource humaine adéquate: le recrutement d’un biculturel et sa formation à votre entreprise et vos produits. Il faut absolument des gens qui ont une sensibilité du marché chinois qui est culturellement totalement différent, et qui ont la culture du management occidental, et qui comprennent les priorités et les contraintes de votre entreprise.


Quelle sont les tendances et les grands axes de développement actuels de la Chine ?
Deux analyses sont nécessaires pour comprendre la demande du marché chinois :
D’abord une analyse géographique. La côte de l’est est assez développée, notamment dans le delta du Yang se, au tour de Shanghai, où la concurrence est rude, toutes les entreprises étrangères y vont. D’un point de vue administratif, une entreprise étrangère n’a plus du tout d’intérêt particulier ; d’un point de vue économique, les consommateurs sont de moins en moins sensibles aux communications des nouvelles marques.


Dans l’intérieur du pays, au centre et à l’ouest, des métropoles de plus de 5 millions habitants sont encore lucratives pour les entreprises étrangères, où les consommateurs sont désireux aussi des produits Made in France, plus sensibles aux communications. Les villes comme, Xi’an, Wuhan, Chengdu, Chongqing, seront les futurs Shanghai dans les deux décennies qui arrivent. Une analyse plus approfondie sur le sujet est disponible sur notre site internet www.viaduc-chine.com  « Par où dois-je commencer mon business en Chine ».

Parallèlement, il faut aussi une analyse sectorielle. Pour comprend ce qui peut se vendre, il faut savoir les problématiques du client. Quels sont les défis de la Chine et quels sont les tendances sociologiques ?

J’essaie de mettre en évidence les problématique et les opportunités : la sécurité alimentaire, quantitativement et qualitativement, donc les technologies et produits agricoles, les produits agroalimentaires ; la pollution, donc les technologies vertes, les énergies renouvelables ; l’urbanisation de masse, donc l’urbanisme durable et l’architecture ; la vieillissement de la population, donc tout le secteur santé ; la montée en gamme de l’industrie, les équipements industriels et les process, la recherche ; la croissance de revenu, les produits de consommation, le luxe, le loisir, ainsi que les activités de soutien au commerce,  par exemple, le marketing, le TIC, la logistique etc.


Parmi ces créneaux porteurs, y a-t-il des secteurs d’activités plus plébiscités par les PME françaises ?
Non, il n’y a pas encore de secteur plébiscité par qui que ce soit. Chaque année, il y a 10 millions de citadins en plus, le terrain de jeu reste relativement grand et vide pour les joueurs. Par exemple, le part de marché de la France en Chine est 1.33% en 2012, un peu mieux que l’Italie (0,89 %) ou Royaume-Uni (0,92 %), mais près de quatre fois inférieure à la part de marché allemande (5,03 %) Difficile de parler de plébiscite…

Pour les PME françaises, il faut donc y aller plus, y aller plus fort et y aller plus méthodiquement. C’est ce potentiel de développement qui nous a motivés à créer Viaduc Chine, qui forme et accompagne les entreprises à réussir leur conquête du marché chinois.
J’aime bien un proverbe français : « ce n’est pas parce que c’est difficile que l’on ne sait pas le faire, mais c’est parce que l’on ne sait pas le faire que c’est difficile. »



Exporter ou s’implanter et produire localement ? Que conseillez-vous ?
Même pour exporter, il est conseillé d’avoir une présence commerciale ou logistique locale, pour montrer aux interlocuteurs votre volonté de vous engager dans la durée : vous êtes là aujourd’hui, demain, et après-demain,  à chaque moment le client a besoin de vous, pour être là. Dans les salons ou les RDVs d’affaires, la question pour moi la plus demandée : «Où êtes-vous basé en Chine ? »
Produire en France ou sur place, tout dépend du secteur. Chaque secteur a ses spécificités. Par exemple, il est fortement conseillé de produire en France pour les produits de consommations et agroalimentaires, surtout le luxe en France, c’est la qualité ou le prestige du « made in France » que l’on achète en Chine. Pour des produits qui demandent des réactions immédiates, par exemple les pièces automobiles, il est important d’être à côté de la chaine d’assemblage pour diminuer le coût logistique.


POUR AVANCER SUR LES IDEES RECUES

Rien ne semble impossible en Chine. Pourquoi ?
Je serais plus réservé sur cette idée. La Chine est assez structurée au jour d’aujourd’hui dans l’organisation administrative et juridique. Il est possible pour un juge d’apprécier s’il y a plus de blanc ou de noir dans le gris, mais impossible de dire que le noir est blanc. Il y a quand même une constance et une sureté dans l’environnement politique et juridique.
Commercialement parlant, c’est vrai que le marché est de plus en plus moderne, dans lequel l’habitude de consommation est aussi de plus en plus mature, mais il y a des millions de nouveaux citadins tous les ans, et des dizaines de nouvelles villes de plus d’un demi millions d’habitants par an, les opportunités restent donc nombreuses.
Il y a donc de moins en moins de mauvaises surprises, mais toujours autant de bonnes surprises qui nous attendent.



L’Etat contrôle tout. C’est vrai ?
Oui, nous sommes dans un régime autoritaire, et surtout une culture confucéenne. L’administration est omniprésente. D’un côté les entreprises demande d’enlever des autorisations à demander pour tout, parfois ridiculement inutiles, mais d’un autre côté, les entreprises chinoises ont aussi l’habitude même la paresse d’être assistées par les services de l’état. Dans la récente session plénière du comité central du parti, la réforme administrative est un point important, on parle de la modernisation et la montée en gamme du service public. On croise les doigts. Mais ce n’est pas pour demain, plutôt les dix ans qui viennent.

Mon produit sera-t-il copié ?
Si on vous copie, c’est plutôt un signe de réussite. Personne ne copie un perdant.
Mais rassurez-vous, les efforts considérables sont engagées pour lutter contre la contrefaçon. D’un côté il y a la pression des pays développés, mais surtout, c’est parce que l’effet des copie freine la R&D des entreprises chinoises. Si le gouvernement veut augmenter la montée en gamme de son industrie, il faut d’abord nettoyer le chemin.


L’administration et la justice sont sévères envers les contrefaçons, mais c’est à vous de déposer vos marques et les brevets en Chine, et de détecter la contrefaçon. Visiter les salons de votre secteur est toujours une bonne pratique, l’administration installe toujours un bureau pendant le salon pour réceptionner des plaintes, ça va assez vite, dans la demi-journée qui vient vous pouvez voir le stand du malfaiteur fermé par la police et l’usine fermée certainement dans peu de temps. La justice s’occupera de vous dédommager, mais cela prend un peu plus de temps.

N’oubliez pas de déposer vos marques en alphabet occidental, mais aussi en traduction chinoise. Pour une marque française, une extension de la protection du nom et de l’image à l’internationale via l’INPI dans le cadre du traité de Madrid est possible, comme la Chine est signataire du traité. Mais il faut déposer la traduction en langue chinoise en Chine, afin d’éviter que des mauvais esprits ne vous volent votre notoriété.


L’avantage du coût de la main d’œuvre en Chine tend à diminuer. Quel en sera l’impact pour les PME françaises et leurs stratégies en Chine ?
Je dirais que c’est plutôt un bon signe : puisque les consommateurs ont plus de disponibilités dans les portefeuilles et osent les dépenser.

Si les chinois épargnent beaucoup c’est surtout à cause du retard en matière de protection sociale en Chine. Si le coût de la main-d’œuvre augmente, c’est une partie à cause de l’inflation, mais surtout à cause de la protection sociale qui se généralise de plus en plus. Les produits français ne sont pas faits pour les plus pauvres. L’image de la qualité «Made in France » sera demandée par la classe moyenne qui ne cesse d’augmenter. D’où l’intérêt pour les PME de se préparer et d’occuper le terrain dès maintenant.

Dans les secteurs plus sensibles au coût de la main d’œuvre, rien ne vous empêche de vous délocaliser de la Chine pour l’Asie du sud, en sachant qu’un traité de libre-échange entre l’ASEAN et la Chine a été mis en pratique depuis 2010. Par exemple le droit de douane entre le Thaïlande et la Chine est symboliquement… à 0.1%... Le transport maritime est plutôt bien développé en Asie, et en plus, une ligne de train est en discussion pour relier la Chine et les pays asiatique du sud.

Il y a beaucoup d’inégalités dans les plans de développement régionaux de la Chine. Comment analyser cette situation lorsqu’on élabore sa stratégie vers la Chine ?
La question est assez complexe, car le lieu idéal peut être différent d’un secteur à un autre. Mais pour le cas d’une PME, il faut comprendre que chaque province chinoise fait à peu près le PIB d’un pays de petite taille, chaque capitale d’une province a plus de 5 millions d’habitants. Il peut y avoir des choix stratégiques plus ou moins différents, mais il n’y aura pas de choix totalement « fautif ».

D’ailleurs, Shanghai n’est pas forcément adaptée pour chaque PME. C’est vrai il y a beaucoup de français, c’est pratique, mais le coût de la main d’œuvre, les emplacements commerciaux, la communication coûtent plus cher, en plus les consommateurs sont bombardés de publicités. Très difficile d’y percer pour une PME. (Une analyse plus approfondie est disponible sur notre site internet www.viaduc-chine.com  « Par où dois-je commencer mon business en Chine ».)

L’Asie et la Chine en particuliers entretien en général la tradition et la mémoire. Comment cela conjugue-t-il avec modernité ?
Dans la tradition, les hommes chinois sont respectueux, travailleurs et discrets, avec la modernité, ils sont toujours respectueux et travailleurs, mais plus pragmatiques et réactifs, plus exigeants, envie de réussir et de montrer sa réussite, et moins de temps à passer avec la famille.

La génération de 30 à 50 ans actuelle est entre la tradition et la modernité. C’est avec eux que vous allez négocier aujourd’hui et demain. Mais d’une génération à une autre, les choses évoluent vite. Moi-même je suis surpris par la fragilité d’une culture millénaire face à la propagation de la culture de la consommation. Nous pouvons prévoir que les générations suivantes seront de plus en plus d’américanisées, ouvertes, de plus en plus exigeantes et rationnelles. Opportunité ou challenge pour les entreprises françaises?

> Pour suivre la suite de l'interview, cliquez sur le lien suivant
Les règles d'or du Business en Chine. Mode d'emploi. Part 2.


A propos de Viaduc Chine
Viaduc Chine est une société de conseil spécialisée en accompagnement du développement commercial, qui offre une solution sur mesure aux PME désireuses de se développer en Chine. www.viaduc-chine.com
Twitter :  @viaducchine

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